Je t’écris du rocher des souvenirs. Au soleil déclinant, une vaste étendue hier s’offrit à l’avidité des regards. Elle fit naître en moi une douloureuse nostalgie. La plus impitoyable de toutes. Celle qui redessine la vérité et remodèle constamment le souvenir.
Elle ne laisse aucun répit, peux-tu m’aider mon ami ?
Me rappeler ce que fut notre vécu. Etait-il fluide comme l’eau, ou un désert aride? Que t’a-t-il légué ? Peux-tu seulement l’ignorer ?
Cette question, te l’aies-tu une seule fois posée ? Dans la solitude des grands espaces, tu me souffles des secrets, des paroles que je ne parviens à entendre, des choses que je ne puis comprendre. Ne pourrais-tu me revenir dans la vigueur de l’aube, laisser filer cette nuit envoutante qui n’en finit de me posséder.
Une ombre s’approche du rocher. Elle erre, glisse dans l’air, épouse l’obscurité. Elle attire à elle tout ce qui l’entoure, et se reconstitue. Mais rien autour ne disparaît, tout reste identique. Le phénomène se reproduisit jusqu’au lever du soleil. L’ombre ne fut plus alors que l’ombre d’elle-même. Elle disparut, laissant place au plus beau des êtres, un être aussi vrai que toi et aussi réel que moi, un être qui savait.