Dans une petite maison bordant un bosquet, je m’éveillai prise d’une étrange sensation. Tout autour était calme, pas un bruit ne venait troubler cette quiétude. Le monde était plongé dans un profond sommeil. Je me levai prudemment, me rafraichis et franchis le seuil de la chambre.
J’aperçus mon père assis à table dans la pièce principale.
— Bonjour, lui dis-je,
— Il fait encore nuit me fit-il remarquer, tu ne devrais pas être debout à une telle heure.
Je m’approchai de lui et aperçus le vieux livre sur lequel il était penché quand j’ouvris la porte.
— Quel est cet ouvrage ? m’enquis-je, il paraît si vieux, d’où vient-il ?
— Je l’ai pris de la bibliothèque me dit-il avant de le refermer et le poser sur l’étagère. Puis il se leva et se dirigea vers le réchaud de la cuisine. Il prépara deux tasses qu’il vint disposer sur la table. Je m’assis, et bus le café de mon père.
— Quel est donc ce breuvage sans saveur, il n’est pas même amer, il n’a pas même le goût d’une bonne ou d’une mauvaise eau, comment cela se peut-il ? lui demandai-je inquiète,
— C’est pourtant un café comme un autre, un jour comme tant d’autres.
Je fixai mon père, il était comme cette boisson, ni bon ni mauvais, ni présent, ni absent. Il ne me regardait pas mais regardait à travers moi, et ce qu’il voyait, qui pût le savoir.
Je le remerciai et rejoignis ma chambre. Le sommeil me reprit pour invitée.
J’ouvris les yeux ce jour-là dans une chambre baignée de lumière. Je me levai portée par une vitalité nouvelle. Tout me paraissait léger et lumineux.
Je plongeai mon visage dans la vasque d’eau ; tout cela était-il bien réel ?
Je sortis de ma chambre. De puissants rayons de soleil avaient investi le salon, le spectacle était saisissant. Mais nul autre que moi n’était là pour le voir.
Je me dirigeai aussitôt vers la bibliothèque et tressaillis à la vue d’un livre. Non celui de la veille, un livre nouveau, un livre neuf. Je l’ouvris. C’était un ouvrage manuscrit contenant en sa première partie des questions sans réponses et en sa seconde des réponses sans questions et les deux sections n’étaient pas liées. Je me demandai si ce livre des questions et des réponses était en lui-même une question ou une réponse.
Il me vint alors à l’esprit que le temps était la réponse à cette étrange énigme, le temps et cette clarté qui avec lui envahit l’espace.